Coutumes provençales :
Les Grecs et les Romains avaient leurs camelots tout comme aujourd'hui. Dans les fêtes publiques, à Athènes, on vendait des fèves et des pois chiches torréfiés, des jujubes et des olives salées. A Rome, au cirque, pendant que les chrétiens étaient écharpés par les léopards et les panthères, pendant que de malheureux gladiateurs se tuaient pour le régal des yeux du peuple-roi, les marchands de gâteaux de Vicence et de gâteaux au miel circulaient entre les gradins des Arènes, vendant leur marchandise aux belles praticiennes croquant leurs gâteaux , et applaudissant en même temps au lion qui d'un coup de griffe enlevait le ventre et les entrailles d'une jeune vierge.., ou du coup de glaive qui venait de trancher la gorge à l'athlète….
Heureusement pour nous, nous n'avons plus ces scènes de carnage, mais dans notre Provence bien des usages et des mœurs païens ont résisté aux efforts du christianisme et de la civilisation et, sans nous étendre en dehors de notre objet , l'habitude de vendre dans les fêtes publiques des fèves torréfiés a subsisté, notamment à Toulon et à Marseille. Mais ce qui semble se consolider de plus belle c'est la vente de la tourte pissalat et le tout eaou. Le tout eau, est un brouet fait de la farine de pois-chiche, ce que l'on étend sur une tourtière fortement brûlée et que l'on pousse au four. Mais la confection de la pissaladière ou tourte au pissalat demande une certaine opération culinaire.
Son opération est celle-ci : Mettre quatre ou cinq gros oignons émincés à suer dans une forte lampée d'huile d'olive. Une fois bien passés, ajouter une pointe d'ail, persil haché, poivre, incorporer trois ou quatre cuillerées à bonche de pissalat et étendre cet appareil sur une abaisse de pâte à pain dans laquelle on aura ajouté de l'huile d'olive. Laisser lever cette abaisse qu'on aura placé préalablement sur une tourtière huilée ; parsemer dessus des olives vertes, pousser à four gai, une feuille de papier dessus, et donner 40 ou 45 minutes de cuisson.
Le père Jioseppe, un ancien plongeur tant soit peu culinaire, natif du Crau de Cagnes, pays de la poutine, du nonnat et par conséquent du pissalat, a jeté depuis longtemps sa serpillière de plongeur aux orties et s'est mis à faire et vendre dans la rue de la pissaladière. Il a aujourd'hui sa petite affaire faite, et cela en vendant sa marchandise à un sou.
Comment, lui demandai-je un jour, t'es-tu débrouillé pour gagner tant d'argent ? Tenez, me dit-il, vus ne croiriez pas chef, d'où vient mon succès . Puisque je te le demande. Eh bien c'est la fabrication du pissalat...Eh quoi ! donne-moi doc cette fameuse recette que je puisse l'envoyer à mon journal...Allons, voyons, vous qui êtes du pays, vous la connaissez aussi bien et même mieux que moi. Non, non ! dis toujours, vous savez, continue mon interlocuteur, que mon père était un pescadou. Mon grand-père était pêcheur, et je crois que par les femmes, je remonte à Saint-Pierre, qui est le patron des pêcheurs. Quant à ma grand-mère elle était de Menton, le pays du maquetto. Et voici comment elle apprit à ma mère à faire le pissalat. Quand le nonnat a revêtu sa robe d'argent , qu'il est habillé et e la longueur de 3 ou 4 centimètres, c'est alors de la poutine. J'en prends un kilo, 200 grammes de sel marin grossièrement pilé. Et, pourquoi mal pilé ? parce que pilé trop, cela brûlerait le poisson…( je restais rêveur…) Ensuite une bonne pincée de poivre, une feuille de laurier, un clou de girofle et une cuillère à café de cinabre. Pourquoi du cinabre ? Parce que sans cela votre pissalat aurait une couleur livide peu appétissante ...je remue le tout pendant cinq minutes, et ce, durant 20 jours. Je passe ensuite, je mets en pots et tout est dit. Le père Jioseppe fier de m'avoir donné cette recette continue sa vente en criant : Touto pissala, tourto pissalat !
J. Béolor (de Cannes)
rossi jeanluc
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