Il existe à Londres un club féminin, dont les principaux membres sont des dames de haute et puissante lignée, et dont faisait partie l'ex-princesse de Galles, aujourd'hui Reine d'Angleterre.
"The cats' club" tel est le titre de ce cercle intime et philanthropique qui a pour but de s'intéresser au bien-être des chats errants de la capitale. Inutile d'ajouter que toutes ces dames font partie de la société protectrice des animaux.
Or, vers le commencement du mois de janvier, la duchesse de Bedford, présidente du "cats 'club", conçut l'idée originale de réunir dans un banquet tous les petits marchands ambulants, dont le commerce consiste à pourvoir à la nourriture journalière des chats de la capitale.
C'est au restaurant de New-York, dans Holborn, à Londres, qu'eut lieu le 11 janvier, ce banquet peu banal, auquel 250 de ces industriels avaient été conviés.
Le cats' club a son journal dont le titre est "Our Cast" (nos chats) et dont l'éditeur M. Louis Wain, est en même temps un dessinateur remarquable, qui comme notre peintre Lambert, consacre son talent à reproduire des scènes de la vie féline, et c'est lui qui fut chargé d'organiser le banquet.
Avant d'entrer dans les détails du festin, il est nécessaire de présenter au lecteur un des types les plus curieux parmi les industriels ambulants du pavé de Londres : type unique qui n'existe qu'en Angleterre : "Le cats 'meat man."
" Le cats' meat man "est le pourvoyeur de viande pour les chats, et il exerce son commerce en parcourant tous les mains, vers huit heures, les quartiers de la ville, portant au bras un grand panier contenant une provision de viande de cheval, cuite et détaillée en petits morceaux embrochés sur des tiges de bois. En passant devant chaque maison , l'homme crie sa marchandise sur un ton qui lui est particulier, et auquel les chats ne se méprennent pas, car on les voit aussitôt apparaître aux portes, aux fenêtres , aux balcons, aux soupiraux des caves ; et lorsqu'ils ne peuvent se montrer, ils manifestent leur présence par des miaous significatifs. Alors, la porte de la maison s'ouvre ; la bonne sort et donne deux sous à l'homme, qui lui remet en échange une brochette de viande ou de foie de cheval ; pui le cats' man poursuit son chemin accompagné par une meute affamée de chats errants qui ont entendu son appel, et qui le suivent sur le trottoir, en frottant contre ses jambes leurs échines ondulées, dans l'espoir de glaner quelques bribes de nourriture que l'homme leur distribue d'habitude assez généreusement.
Revenons à notre banquet qu'avait organisé M. Louis Wain, et auquel plusieurs membres aristocratiques du cats', qu'il avait suffi à ceux-ci de justifier de leur qualité de "cats meat man", pour être admis à faire partie des convives.
Le repas offert à ces braves gens étaient , comme bien on pense, des plus simples et d'une nature plus substantielle que délicate. On peut du reste en juger par le menu qui comportait : le Roat beef obligatoire avec l'accompagnement habituel de sauce au raifort et du yorkshire pudding ; du gigot bouilli de fondation avec la sauce aux câpres et la purée de navets de rigueur, qu'avait précédé la soupe mock-turtle sans laquelle un banquet populaire en Angleterre ne setait pas complet. Enfin, comme entremets, le plum-pudding traditionnel ; puis comme dessert , du fromage de Chester,et comme boisson , de la bière "ad libitum".
Pour terminer, disons à la louange des convies, que tous ont observé une attitude convenable et qu'une franche gaieté sans licence n'a cessé de régner pendant la durée du repas, à la fin duquel l on donna lecture d'une lettre de la princesse de Galles qui envoyait ses souhaits à la corporation de s cats'meat man, en exprimant ses regrets den 'avoir pu assister à leur banquet. De son côté, la duchesse de Bedfort prononça une touchante allocution en faveur de ses protégés et décerna des éloges à tous les braves gens qui l'écoutaient , en les adjurant de toujours se montrer bons et humains envers les animaux en général et les chats errants en particulier. Elle termina son discours en annonçant qu'elle avait donné des ordres pour qu'une livre de tabac fut distribuée à tous les convives présents. Inutile d'ajouter que cette partie de son speech fut particulièrement et chaleureusement applaudie.
Cette fête originale et unique dans les annales des banquets, se termina par un concert vocal et instrumental, avec le concours des chansonniers populaires des principaux music-halls de Londres.
Alfred Suzanne
Comments