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Histoire d'un jour :L'art d'accommoder les salades


Il semble, au premier abord, que cet accessoire alimentaire est un sujet dépourvu de tout intérêt, et n'ouvre aucun horizon gourmand ? Quelle erreur ! il est des gens qui ne comprennent pas un repas sans salade, et d'autres pour qui le plus transcendant menu deviendrait insignifiant, s'il ne l'indiquait dans son énuméré.

Ce...détail des festins, grands ou modestes, devait donc un jour ou l'autre tenter la plume d'un écrivain culinaire ou gastronome ; et laquelle, autre que celle de Suzanne s'en fut chargée, eut osé affronter la besogne de réunir 150 façons diverses de la présenter ! Duchardon le maître es-gastronomique ; lui a consacré un chapitre dans son libre, mais il n'a fait qu'y établir le principe formel de son assaisonnement. Avec le brio descriptif que nous lui connaissons, il eût certainement pu exposer de nombreuses recettes ; et une commentation signée de lui sur la fameuse salade japonaise de Dumas nous eût charmés. Peut-être y a-t-il pensé, peut-être y pense t'il encore ; et nos colonnes, il le sait, sont toujours grandes ouvertes à ses Lettres gourmandes.

Pourtant, il y en a qui n'attachent qu'une importance relative à la salade, et d'autres qui se déclarent franchement "anti saladiers" ; affaire de goût, contre laquelle toute objection se brise. Il est permis de ne pas en raffoler ; mais il est interdit d'en médire : c'était l'avis de Jean-Jacques Rousseau ; et je me suis laissé dire que la plume éloquente qui traça les lignes du Contrat social et De l'inégalité parmi les hommes, ne dédaigna pas d'écrire un chapitre sur la meilleure manière de l'assaisonner. On assure même (mais que n'assure-t-on pas, et souvent sans preuves), qu'une salade fut la cause qui le décida à épouser Thérèse Le Vasseur, sa cuisinière.

Comme toutes choses, la salade a suivi la marche du progrès ; et il y a loin de ce que fut cet aliment au temps de l'humanité primitive, à celui que le génie culinaire moderne combine et offre à la sensualité éclairée des gourmets de notre époque.

L'histoire de l'alimentation prouve surabondamment que l'apprêt de la salade remonte aux temps préhistoriques, et que les peuples de l'antiquité, à la fois carnivores et herbivores, se délectèrent des pousses de plantes sauvages, relevées d'un assaisonnement barbare.

Voici les Arryas de la première phase pastorale, parfumant leurs salades de pétales odoriférants, et les assaisonnant d'huile, conquête précieuse de la prime phase agricole.

Voici les Perses, les Thraces et les Illyriens, égaux devant des salades baignées d'atroces saumures. Puis viennent les Grecs qui, les premiers cuisinèrent et donnèrent à la table un semblant de police et, avec eux, se trouve le premier mot des salades composées. Argiens, Athéniens et Arcadiens sont grands amateurs d'herbages curs mélangés d'olives confites, puis relevés de raves sauvages, longuement macérées dans le vinaigre mêlé de sinapis ; régal étrange quArchestrate classe parmi les bagatelles du prologue des repas.

Aux Oecus romaines, es racines cuites sous la cendre s'allient invariablement aux herbes vertes, et , appuyées parfois de poissons ou de viandes divers, de cet amalgame naissent de confuses macédoines, auxiliaires de la mattya et du myma, étranges mets dont se régalèrent les vainqueurs du monde. Les hirsutes Gaulois nos ancêtres, ,e prisèrent rien tant que la salade de raves, pourprée par la betterave, venue de la Bohême avec les conquérants du Nord, et ,dans ses Capitulaires.

Carolus Magnus, roi premier de ce nom.

prescrit que les potagers de ses domaines, soient toujours amplement pourvus de chicoracées et d'herbes aromatiques, pour ses royales salades.

Plus tard, avec les goûts qui se raffinent, viennent les salades de poireaux cuits sous la cendre, de ronces parfumées de menthe et assaisonnées de vinaigre et de miel, puis celles de Obelon, de Chèvrefuel, de fleurs issant de vieux Suzeaux, d'aureilles de judas, etc. Dans le vie privée des Français de Le Grand d'Aussy , on trouve tout unchapitre consacré à l'énumération des salades du temps, preuve certaine que cet article alimentaire, à toujours eu une grande importance. mais c'est seulement sous la Régence, que paraissent les véritables salades composées, dont celle de base, la macédoine de légumes, est attribuée à la Du Barry, à tort peut-être, bien qu'il soit avéré que la royale courtisane fut une excellente cuisinière, ainsi qu'elle le prouva pendant sa réclusion à l'abbaye de Pont-aux-Dames.

Phileas Gilbert











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