Il n'est pas un peuple au monde qui sache mieux que les Anglais juger, connaitre et apprécier la viande de boucherie. Aussi, tous les grands seigneurs qui peuvent s'en permettre le luxe ont-ils dans leurs parcs immenses des troupeaux de bœufs et de moutons, et même de daims et de chevreuils, qu'ils nourrissent et engraissent spécialement pour leurs tables. Ces bestiaux, de races choisies, sont élevés avec un soin minutieux, et ne sont abattus pour la consommation que lorsqu'ils ont atteint l'âge règlementaire reconnu pour la maturité.
Les Moutons sont surtout l'objet d'une attention particulière. Il y en a de plusieurs espèces ; mais la race des Ecossais, des Gallois et des South-Dower, à face et pieds noirs, ont, à juste titre, le plus de partisans parmi les connaisseurs et les gourmets.
Ces moutons, élevés en liberté dans de splendides pâturages, broutent constamment l'herbe touffue, saine et aromatisé des plaines et des contrées montagneuses du Derbyshire, du Lancashire et de l'Ecosse. Cette nourriture contribue, dans une grande mesure , à développer chez l'animal l'exquise saveur qui est la caractéristique de sa chair.
Ces moutons, dont les aristocratiques éleveurs anglais sont si fiers, et qui défient tous les moutons du monde entier, ne sont abattus que lorsqu'ils sont atteint l'âge de cinq ans, car ce n'est qu'à cet âge qu'ils sont réellement bons, d'après mon avis, qui est aussi celui des vrais amateurs.
Le moutons, après avoir été dépouillé, est accroché dans un endroit frais et exposé dans un fort courant d'air, afin de le conserver le plus longtemps possible sans qu'il se corrompe. De temps en temps on l'essuie avec un linge sec, puis on le saupoudre de farine, afin de combattre l'action de l'humidité. De ce fait, il se forme sur la viande une sorte de croûte qui conserve le sang de l'animal dans les tissus.
Le mouton traité de la sorte peut, pendant l'hiver, se garder une quinzaine de jours sans se corrompre. C'est alors qu'il est dépecé pour être ensuite mis à la broche.
On ne peut pas se faire une idée de la tendresse et de la succulente d'une selle de ce mouton, suffisamment mortifiée et rôtie à point.
On comprend que la viande de cette catégorie ne se trouve que rarement sur le marché, car les fermiers n'ont aucun avantage à nourrir, pendant cinq ans des bestiaux qui ne leur seraient pas achetés plus cher que des moutons de deux ans.
Voilà, pourquoi dans les maisons seigneuriales le mouton atteint un degré de perfection qu'on ne trouve dans aucun autre pays, et qu'il acquiert les qualités que lui donnent sa rac, son âge, son élevage et les soins spéciaux apportés à sa cuisson.
Alf. Suzanne
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